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jeudi 30 septembre 2010
Paroles de chaussures !!!
"Cette méthode stoïque de subvenir à ses besoins en supprimant ses désirs équivaut à se couper les pieds pour n'avoir plus besoin de chaussures." (Jonathan Swift)
"Voilà l'homme tout entier, s'en prenant à sa chaussure alors que c'est son pied le coupable."(Samuel Beckett)
"On peut dire beaucoup de chose des gens en regardant leurs chaussures. Où ils vont. Où ils sont allés."
"Si on portait ses chaussures à la main plutôt qu'aux pieds, elles s'useraient moins vite."(Pierre Dac)
"Si ma chaussure est étroite, que m'importe que le monde soit vaste."
Cordonnier, ne juge pas plus haut que la chaussure! (Sutor, ne supra crepidam)
mardi 28 septembre 2010
Johann Heinrich Füssli et le Cauchemar
"Certains recherchent l'art lui-même, d'autres ses prolongements.Certains ne voient que le présent, d'autres portent leur regard vers le futur. Le papillon voltige au dessus de la prairie et l'aigle traverse les mers." (Johann Heinrich Füssli)
Johann Heinrich Füssli est un peintre et théoricien suisse, ami de William Blake, il fut un précurseur du fantastique on lui doit entre autres "Le Cauchemar".
Ses thèmes favoris sont romantiques, centrés sur l’imaginaire le gothique ou l’horrible, dans un style fortement marqué par le néoclassicisme. Il traite les angoisses de l’époque et puise son inspiration dans les récits bibliques ou mythologiques, les textes de Dante ou les tragédies de Shakespeare. Ils mettent en scène la violence, la souffrance, la torture, le sadomasochisme, le viol, la mort.
Mais revenons sur le "Cauchemar" dont il fera plusieurs versions.
Quel est le sens de cette tête de cheval placée au centre du tableau ? Le mot vient du vieil allemand mahra qui signifie étalon et se confond avec le radical mar, mourrir. On en trouve la trace dans les traditions populaires germaniques et anglo-saxonnes, où rêver d'un cheval est un présage de mort prochaine.
Le tableau aurait pour origine la passion amoureuse de Füssli pour la belle Anna Landolt, dont il fit le portrait et que son père refusait de lui donner en mariage.
Il passa la plus grande partie de sa vie en Angleterre où il exécuta des illustrations des oeuvres de Shakespeare , Dante, ainsi que l'épopée germanique des Nibelungen.
Ténèbres par Albert SAMAIN
Ténèbres par Albert SAMAIN
Les heures de la nuit sont lentes et funèbres.
Frère, ne trembles-tu jamais en écoutant,
Comme un bruit sourd de mer lointaine qu’on entend,
La respiration tragique des ténèbres ?
Les heures de la nuit sont filles de la peur ;
Leur souffle fait mourir l’âme humble des veilleuses,
Cependant que leurs mains froides et violeuses,
S’allongent sous les draps pour saisir notre coeur.
... Une âme étrangement dans les choses tressaille,
Murmure ou craquement, qu’on ne définit point.
Tout dort ; on n’entend plus, même de loin en loin,
Quelque pas décroissant le long de la muraille.
Pâle, j’écoute au bord du silence béant.
La nuit autour de moi, muette et sépulcrale,
S’ouvre comme une haute et sombre cathédrale
Où le bruit de mes pas fait sonner du néant.
J’écoute, et la sueur coule à ma tempe blême,
Car dans l’ombre une main spectrale m’a tendu
Un funèbre miroir où je vois, confondu,
Monter vers moi du fond mon image elle-même.
Et peu à peu j’éprouve à me dévisager
Comme une inexprimable et poignante souffrance,
Tant je me sens lointain, tant ma propre apparence
Me semble en cet instant celle d’un étranger.
Ma vie est là pourtant, très exacte et très vraie,
Harnais quotidien, sonnailles de grelots,
Comédie et roman, faux rires, faux sanglots,
Et cette herbe des sens folle, comme l’ivraie...
Et tout s’avère alors si piteux et si vain,
Tant de mensonge éclate au rôle que j’accepte,
Que le dégoût me prend d’être ce pître inepte
Et de recommencer la parade demain !
Les heures de la nuit sont lentes et funèbres.
L’angoisse comme un drap mouillé colle à ma chair ;
Et ma pensée, ainsi qu’un vaisseau sous l’éclair,
Roule, désemparée, au large des ténèbres.
De mortelles vapeurs assiègent mon cerveau...
Une vieille en cheveux qui rôde dans des tombes
Ricane en égorgeant lentement des colombes ;
Et sa main de squelette agrippe mon manteau...
Cloué par un couteau, mon coeur bat, mon sang coule...
Et c’est un tribunal au fond d’un souterrain,
Où trois juges, devant une table d’airain,
Siègent, portant chacun une rouge cagoule.
Et mon âme à genoux, devant leur trinité,
Râle, en claquant des dents, ses hontes, sa misère.
Et leur voix n’a plus rien des pitiés de la terre,
Et les trous de leurs yeux sont pleins d’éternité.
... Mais soudain, dans la nuit d’hiver profonde encore,
Tout mon coeur d’un espoir immense a frissonné,
Car voici qu’argentine, une cloche a sonné,
Par trois coups espacés, la messe de l’aurore.
lundi 27 septembre 2010
Départ pour le Sabbat par Aloysius Bertrand
Départ pour le Sabbat par Aloysius Bertrand
Elle se leva la nuit, et allumant
la chandelle prit une boîte et
s’oignit, puis avec quelques paroles
elle fut transportée au sabbat.
JEAN BODIN. — De la Démonomanie des Sorciers.
Ils étaient là une douzaine qui mangeaient la soupe à la bière, et chacun d’eux avait pour cuiller l’os de l’avant-bras d’un mort.
La cheminée était rouge de braise, les chandelles champignonnaient dans la fumée, et les assiettes exhalaient une odeur de fosse au printemps.
Et lorsque Maribas riait ou pleurait, on entendait comme geindre un archet sur les trois cordes d’un violon démantibulé.
Cependant le soudard étala diaboliquement sur la table, à la lueur du suif, un grimoire où vint s’ébattre une mouche grillée.
Cette mouche bourdonnait encore lorsque, de son ventre énorme et velu, une araignée escalada les bords du magique volume.
Mais déjà sorciers et sorcières s’étaient envolés par la cheminée à califourchon, qui sur un balai, qui sur les pincettes, et Maribas sur la queue de la poêle.
samedi 25 septembre 2010
Le Surréalisme
Le surréalisme est un mouvement littéraire et artistique fondé par le poète français André Breton lors de la publication de son Manifeste du surréalisme à Paris en 1924. Issu d'une rupture avec le mouvement Dada en 1922, le surréalisme fut à l'origine un projet essentiellement littéraire mais intégra rapidement dans ses rangs les arts visuels (peinture, sculpture, photographie, cinéma).
Selon la définition donnée en 1924 par Breton, le surréalisme est un «l'automatisme psychique pur par lequel on se propose d'exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l'absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique et morale».
"L'imaginaire, c'est ce qui tend à devenir réel." (André Breton)
" Il est inadmissible que le langage triomphe insolemment de difficultés voulue (prosodie), que l'ambition du poète se borne à savoir danser dans l'obscurité parmi des poignards et bouteilles." (Les Pas perdus - André Breton)
vendredi 24 septembre 2010
William Blake - Lullaby - Mélopée
Mélopée par William Blake
Si seulement une voix, si seulement des mots
plus puissants que le tonnerre
pouvaient taire les canons de la guerre!
Quand, tremblante de rage
l'âme n'est que démence
Qui se lèvera?
Quand les âmes des opprimés
luttent dans un climat de violence
Qui se lèvera?
Quand la main de Dieu s'abat sur ce monde
en une tornade furieuse,
quand d'un léger froncement
Il rassemble les nations
Qui se lèvera?
Quand le Péché déploie ses ailes immondes
au-dessus du combat
navigue allégrement sur des flots mortels
quand les âmes sont condamnées au feu éternel
quand les démons de l'Enfer applaudissent ceux qui succombent
O! qui se lèvera?
Qui osera se présenter devant Dieu?
Qui en portera l'opprobre?
Les rois et les nobles l'ont voulu!
Ecoute, Seigneur! Tes ministres l'ont voulu!
Lullaby
O for a voice like thunder, and a tongue
to drown the throat of war! - When the senses
are shaken, and the soul is driven to madness,
who can stand?
When the souls of the oppressed
fight in the troubled air that rages,
who can stand?
When the whirlwind of fury comes from the
throne of god, when the frowns of his countenance
drive the nations together,
who can stand?
When Sin claps his broad wings over the battle,
and sails rejoicing in the flood of Death;
when souls are torn to everlasting fire,
and fiends of Hell rejoice upon the slain.
O who can stand?
O who hath caused this?
O who can answer at the throne of God?
The Kings and Nobles of the Land have done it!
Hear it not, Heaven, thy Ministers have done it!
jeudi 23 septembre 2010
ARCIMBOLDO
C'est à Milan en 1527 que naquit Guiseppe Arcimboldo, dont le nom n'a jamais été établi avec certitude car il signait sous divers patronymes : Arcimboldo, Arcimboldi ou même Arcimboldus.
Il commence à se faire connaître à 22 ans en travaillant avec son père, le peintre Biagio Arcimboldo, illustre famille de Milan. Il réalise alors des cartons de vitraux. Rapidement, il se fait remarquer par Ferdinand de Bohème qui lui commande cinq blasons pour la cathédrale. Sa renommée commence à s’étendre. Il est appelé à Prague en 1562 au service de Ferdinand Ier du Saint-Empire pour être le portraitiste de la famille impériale. Il existe ainsi plusieurs tableaux classiques attribués au peintre, sans aucune certitude, le plus connu étant son Portrait de Maximilien II de Habsbourg et de sa famille qui aurait été peint vers 1563.
C’est peu après son arrivée au service de Ferdinand Ier que Giuseppe Arcimboldo commence la première série des quatre saisons, et laisse éclater un style pictural surprenant : les « têtes composées » portraits caricaturaux (ghiribizzi) ou allégoriques formés d’une juxtaposition de fruits, légumes, végétaux, symbolisant les saisons ou les métiers. Cette œuvre suscite un engouement considérable à la cour. Il peindra d’autres séries des quatre saisons en 1572 et 1573 (une série des quatre saisons se trouve au Louvre, dont l'Automne daté de 1573, commandés par l'empereur Maximilien II de Habsbourg pour être offert à l'électeur Auguste de Saxe).
D’autres portraits mêlent animaux ou objets : les quatre éléments (le Feu et l'Eau de 1566, se trouvent au Kunsthistorisches Museum de Vienne) ou les personnifications de métiers (le Bibliothécaire, le Jardinier, le cuisinier...).
En dehors de quelques portraits, il a alors pour tâche principale d’enrichir les fameux Wunderkammer, cabinets d’art et de curiosités des empereurs Maximilien II et Rodolphe II. Doué d’un esprit inventif et ingénieux, il se voit confier l’organisation des fêtes princières (il subsiste de nombreux dessins de costumes ou de chars) et il est nommé conseiller artistique pour la formation des collections impériales. À partir de 1565, son nom apparaît dans la comptabilité impériale. Il se distingue notamment par l’invention d’une méthode colorimétrique de transcription musicale.
En 1587, il obtient de Rodolphe II l'autorisation de retourner en Italie pour y finir ses jours, promettant de continuer à peindre. Flora sera l’un de ses derniers tableaux.
dimanche 19 septembre 2010
Barbare par Arthur Rimbaud
Un poème tiré des "Illuminations", recueil de poésie en prose qui au départ était constitué de feuilles manuscrites confiées à Verlaine.
Il s'agit ici d'un écrit ésotérique, incantatoire qui ne peut laisser le lecteur indifférent.
Barbare par Arthur Rimbaud.
Bien après les jours et les saisons, et les êtres et les pays,
Le pavillon en viande saignante sur la soie des mers et des fleurs arctiques ; (elles n’existent pas.)
Remis des vieilles fanfares d’héroïsme — qui nous attaquent encore le cœur et la tête — loin des anciens assassins —
Oh ! Le pavillon en viande saignante sur la soie des mers et des fleurs arctiques ; (elles n’existent pas)
Douceurs !
Les brasiers pleuvant aux rafales de givre, — Douceurs ! — les feux à la pluie du vent de diamants jetée par le cœur terrestre éternellement carbonisé pour nous. — Ô monde ! —
(Loin des vieilles retraites et des vieilles flammes, qu’on entend, qu’on sent,)
Les brasiers et les écumes. La musique, virement des gouffres et choc des glaçons aux astres.
Ô Douceurs, ô monde, ô musique ! Et là, les formes, les sueurs, les chevelures et les yeux, flottant. Et les larmes blanches, bouillantes, — ô douceurs ! — et la voix féminine arrivée au fond des volcans et des grottes arctiques.
Le pavillon …..
Il s'agit ici d'un écrit ésotérique, incantatoire qui ne peut laisser le lecteur indifférent.
Barbare par Arthur Rimbaud.
Bien après les jours et les saisons, et les êtres et les pays,
Le pavillon en viande saignante sur la soie des mers et des fleurs arctiques ; (elles n’existent pas.)
Remis des vieilles fanfares d’héroïsme — qui nous attaquent encore le cœur et la tête — loin des anciens assassins —
Oh ! Le pavillon en viande saignante sur la soie des mers et des fleurs arctiques ; (elles n’existent pas)
Douceurs !
Les brasiers pleuvant aux rafales de givre, — Douceurs ! — les feux à la pluie du vent de diamants jetée par le cœur terrestre éternellement carbonisé pour nous. — Ô monde ! —
(Loin des vieilles retraites et des vieilles flammes, qu’on entend, qu’on sent,)
Les brasiers et les écumes. La musique, virement des gouffres et choc des glaçons aux astres.
Ô Douceurs, ô monde, ô musique ! Et là, les formes, les sueurs, les chevelures et les yeux, flottant. Et les larmes blanches, bouillantes, — ô douceurs ! — et la voix féminine arrivée au fond des volcans et des grottes arctiques.
Le pavillon …..
vendredi 17 septembre 2010
Edgar Allan Poe suite...
"Silence", par Edgar Allan Poe, "Nouvelles Histoires Extraordinaires", traduction Charles Baudelaire.
Écoutez-moi, — dit le Démon, en plaçant sa main sur ma tête —. La contrée dont je parle est une contrée lugubre en Libye, sur les bords de la rivière Zaïre. Et là, il n’y a ni repos ni silence.
Les eaux de la rivière sont d’une couleur safranée et malsaine ; et elles ne coulent pas vers la mer, mais palpitent éternellement, sous l’oeil rouge du Soleil, avec un mouvement tumultueux et convulsif. De chaque côté de cette rivière au lit vaseux s’étend, à une distance de plusieurs milles, un pâle désert de gigantesques nénuphars. Ils soupirent l’un vers l’autre dans cette solitude, et tendent vers le ciel leurs longs cous de spectres, et hochent de côté et d’autre leurs têtes sempiternelles. Et il sort d’eux un murmure confus qui ressemble à celui d’un torrent souterrain. Et ils soupirent l’un vers l’autre.
Mais il y a une frontière à leur empire, et cette frontière est une haute forêt, sombre, horrible. Là, comme les vagues autour des Hébrides, les petits arbres sont dans une perpétuelle agitation. Et cependant il n’y a pas de vent dans le ciel. Et les vastes arbres primitifs vacillent éternellement de côté et d’autre avec un fracas puissant. Et de leurs hauts sommets filtre, goutte à goutte, une éternelle rosée. Et à leurs pieds d’étranges fleurs vénéneuses se tordent dans un sommeil agité. Et sur leurs têtes, avec un frou-frou retentissant, les nuages gris se précipitent, toujours vers l’ouest, jusqu’à ce qu’ils roulent en cataracte derrière la muraille enflammée de l’horizon. Cependant il n’y a pas de vent dans le ciel. Et sur les bords de la rivière Zaïre, il n’y a ni calme ni silence.
C’était la nuit, et la pluie tombait ; et quand elle tombait, c’était de la pluie, mais quand elle était tombée, c’était du sang. Et je me tenais dans le marécage parmi les grands nénuphars, et la pluie tombait sur ma tête, — et les nénuphars soupiraient l’un vers l’autre dans la solennité de leur désolation.
Et tout d’un coup, la lune se leva à travers la trame légère du brouillard funèbre, et elle était d’une couleur cramoisie. Et mes yeux tombèrent sur un énorme rocher grisâtre qui se dressait au bord de la rivière, et qu’éclairait la lueur de la lune. Et le rocher était grisâtre, et sinistre, et très haut, — et le rocher était grisâtre. Sur son front de pierre étaient gravés des caractères ; et je m’avançai à travers le marécage de nénuphars, jusqu’à ce que je fusse tout près du rivage, afin de lire les caractères gravés dans la pierre. Mais je ne pus pas les déchiffrer. Et j’allais retourner vers le marécage, quand la lune brilla d’un rouge plus vif ; et je me retournai, et je regardai de nouveau vers le rocher et les caractères ; — et ces caractères étaient : Désolation.
Et je regardai en haut, et sur le faîte du rocher se tenait un homme ; et je me cachai parmi les nénuphars afin d’épier les actions de l’homme. Et l’homme était d’une forme grande et majestueuse, et, des épaules jusqu’au pieds, enveloppé dans la toge de l’ancienne Rome. Et le contour de sa personne était indistinct, — mais ses traits étaient les traits d’une divinité ; car, malgré le manteau de la nuit, et du brouillard, et de la lune, et de la rosée, rayonnaient les traits de sa face. Et son front était haut et pensif, et son oeil était effaré par le souci ; et dans les sillons de sa joue je lus les légendes du chagrin, de la fatigue, du dégoût de l’humanité, et d’une grande aspiration vers la solitude.
Et l’homme s’assit sur le rocher, et appuya sa tête sur sa main, et promena son regard sur la désolation. Il regarda les arbrisseaux toujours inquiets et les grands arbres primitifs ; il regarda, plus haut, le ciel plein de frôlements, et la lune cramoisie. Et j’étais blotti à l’abri des nénuphars, et j’observais les actions de l’homme. Et l’homme tremblait dans la solitude ; — cependant, la nuit avançait, et il restait assis sur le rocher.
Et l’homme détourna son regard du ciel, et le dirigea sur la lugubre rivière Zaïre, et sur les eaux jaunes et lugubres, et sur les pâles légions de nénuphars. Et l’homme écoutait les soupirs des nénuphars et le murmure qui sortait d’eux. Et j’étais blotti dans ma cachette, et j’épiais les actions de l’homme. Et l’homme tremblait dans la solitude ; — cependant, la nuit avançait, et il restait assis sur le rocher.
Alors je m’enfonçai dans les profondeurs lointaines du marécage, et je marchai sur la forêt pliante de nénuphars, et j’appelai les hippopotames qui habitaient les profondeurs du marécage. Et les hippopotames entendirent mon appel et vinrent avec les béhémoths jusqu’au pied du rocher, et rugirent hautement et effroyablement sous la lune. J’étais toujours blotti dans ma cachette, et je surveillais les actions de l’homme. Et l’homme tremblait dans la solitude : — cependant, la nuit avançait, et il restait assis sur le rocher.
Alors je maudis les éléments de la malédiction du tumulte ; et une effrayante tempête s’amassa dans le ciel, où naguère il n’y avait pas un souffle. Et le ciel devint livide de la violence de la tempête, — et la pluie battait la tête de l’homme, — et les flots de la rivière débordaient, — et la rivière torturée jaillissait en écume, — et les nénuphars criaient dans leurs lits, — et la forêt s’émiettait au vent, — et le tonnerre roulait, — et l’éclair tombait, — et le roc vacillait sur ses fondements. Et j’étais toujours blotti dans ma cachette pour épier les actions de l’homme. Et l’homme tremblait dans la solitude ; — cependant, la nuit avançait, et il restait assis sur le rocher.
Alors je fus irrité, et je maudis de la malédiction du silence la rivière et les nénuphars, et le vent, et la forêt, et le ciel, et le tonnerre, et les soupirs des nénuphars. Et ils furent frappés de la malédiction, et ils devinrent muets. Et la lune cessa de faire péniblement sa route dans le ciel, — et le tonnerre expira, — et l’éclair ne jaillit plus, — et les nuages pendirent immobiles, — et les eaux redescendirent dans leur lit et y restèrent, — et les arbres cessèrent de se balancer, — les nénuphars ne soupirèrent plus, — et il ne s’éleva plus de leur foule le moindre murmure, ni l’ombre d’un son dans tout le vaste désert sans limites. Et je regardai les caractères du rocher et ils étaient changés ; — et maintenant ils formaient le mot : Silence.
Et mes yeux tombèrent sur la figure de l’homme, et sa figure était pâle de terreur. Et précipitamment il leva sa tête de sa main, il se dressa sur le rocher, et tendit l’oreille. Mais il n’y avait pas de voix dans tout le vaste désert sans limites, et les caractères gravés sur le rocher étaient : Silence. Et l’homme frissonna, et il fit volte-face, et il s’enfuit loin, loin, précipitamment, si bien que je ne le vis plus.
— Or, il y a de biens beaux contes dans les livres des Mages, — dans les mélancoliques livres des Mages, qui sont reliés en fer. Il y a là, dis-je, de splendides histoires du Ciel, et de la Terre, et de la puissante Mer, — et des Génies qui ont régné sur la mer, sur la terre et sur le ciel sublime. Il y avait aussi beaucoup de science dans les paroles qui ont été dites par les Sybilles ; et de saintes, saintes choses ont été entendues jadis par les sombres feuilles qui tremblaient autour de Dodone ; mais, comme il est vrai qu’Allah est vivant, je tiens cette fable que m’a contée le Démon, quand il s’assit à côté de moi dans l’ombre de la tombe, pour la plus étonnante de toutes ! Et quand le Démon eut fini son histoire, il se renversa dans la profondeur de la tombe, et se mit à rire. Et je ne pus pas rire avec le Démon, et il me maudit parce que je ne pouvais pas rire. Et le lynx, qui demeure dans la tombe pour l’éternité, en sortit, et il se coucha aux pieds du Démon, et il le regarda fixement dans les yeux.
Edgar Allan Poe
"OMBRE", par Edgar Allan Poe,"Nouvelles Histoires Extraordinaires", traduction par Charles Baudelaire.
Vous qui me lisez, vous êtes encore parmi les vivants ; mais moi qui écris, je serai depuis longtemps parti pour la région des ombres. Car, en vérité, d’étranges choses arriveront, bien des choses secrètes seront révélées, et bien des siècles passeront avant que ces notes soient vues par les hommes. Et quand ils les auront vues, les uns ne croiront pas, les autres douteront, et bien peu d’entre eux trouveront matière à méditation dans les caractères que je grave sur ces tablettes avec un stylus de fer.
L’année avait été une année de terreur, pleine de sentiments plus intenses que la terreur, pour lesquels il n’y a pas de nom sur la terre. Car beaucoup de prodiges et de signes avaient eu lieu, et de tous côtés, sur la terre et sur la mer, les ailes noires de la Peste s’étaient largement déployées. Ceux-là néanmoins qui étaient savants dans les étoiles n’ignoraient pas que les cieux avaient un aspect de malheur ; et pour moi, entre autres, le Grec Oinos, il était évident que nous touchions au retour de cette sept cent quatre-vingt quatorzième année, où, à l’entrée du Bélier, la planète Jupiter fait sa conjonction avec le rouge anneau du terrible Saturne. L’esprit particulier des cieux, si je ne me trompe grandement, manifestait sa puissance non seulement sur le globe physique de la terre, mais aussi sur les âmes, les pensées et les méditations de l’humanité.
Une nuit, nous étions sept, au fond d’un noble palais, dans une sombre cité appelée Ptolémaïs, assis autour de quelques flacons d’un vin pourpre de Chios. Et notre chambre n’avait pas d’autre entrée qu’une haute porte d’airain ; et la porte avait été façonnée par l’artisan Corinnos, et elle était d’une rare main-d’œuvre, et fermait en dedans. Pareillement, de noires draperies, protégeant cette chambre mélancolique, nous épargnaient l’aspect de la lune, des étoiles lugubres et des rues dépeuplées ; mais le pressentiment et le souvenir du Fléau n’avaient pas pu être exclus aussi facilement. Il y avait autour de nous, auprès de nous, des choses dont je ne puis rendre distinctement compte, des choses matérielles et spirituelles, une pesanteur dans l’atmosphère, une sensation d’étouffement, une angoisse, et, par-dessus tout, ce terrible mode de l’existence que subissent les gens heureux, quand les sens sont cruellement vivants et éveillés, et les facultés de l’esprit assoupies et mornes. Un poids mortel nous écrasait. Il s’étendait sur nos membres, sur l’ameublement de la salle, sur les verres dans lesquels nous buvions ; et toutes choses semblaient opprimées et prostrées dans cet accablement, tout, excepté les flammes des sept lampes de fer qui éclairaient notre orgie. S’allongeant en minces filets de lumière, elles restaient toutes ainsi, et brûlaient pâles et immobiles ; et dans la table ronde d’ébène autour de laquelle nous étions assis, et que leur éclat transformait en miroir, chacun des convives contemplait la pâleur de sa propre figure et l’éclair inquiet des yeux mornes de ses camarades. Cependant nous poussions nos rires, et nous étions si gais à notre façon, une façon hystérique ; et nous chantions les chansons d’Anacréon, qui ne sont que folie ; et nous buvions largement, quoique la pourpre du vin nous rappelât la pourpre du sang. Car il y avait dans la chambre un huitième personnage, le jeune Zoïlus. Mort, étendu tout de son long et enseveli, il était le génie et le démon de la scène. Hélas ! Il n’avait point de sa part de notre divertissement, sauf que sa figure, convulsée par le mal, et ses yeux, dans lesquels la Mort n’avait éteint qu’à moitié le feu de la peste, semblaient prendre à notre joie autant d’intérêt que les morts sont capables d’en prendre à la joie de ceux qui doivent mourir. Mais, bien que moi, Oinos, je sentisse les yeux du défunt fixés sur moi, cependant je m’efforçais de ne pas comprendre l’amertume de leur expression, et, regardant opiniâtrement dans les profondeurs du miroir d’ébène, je chantais d’une voix haute et sonore les chansons du poète de Téos. Mais graduellement mon chant cessa, et les échos, roulant au loin parmi les noires draperies de la chambre, devinrent faibles, indistincts, et s’évanouirent. Et voilà que du fond de ces draperies noires où allait mourir le bruit de la chanson s’éleva une ombre, sombre, indéfinie, une ombre semblable à celle que la lune, quand elle est basse dans le ciel, peut dessiner d’après le corps d’un homme ; mais ce n’était l’ombre ni d’un homme, ni d’un dieu, ni d’aucun être connu. Et frissonnant un instant parmi les draperies, elle resta enfin, visible et droite, sur la surface de la porte d’airain. Mais l’ombre était vague, sans forme, indéfinie : ce n’était l’ombre ni d’un homme, ni d’un dieu, ni d’un dieu de Grèce, ni d’un dieu de Chaldée, ni d’aucun dieu égyptien. Et l’ombre reposait sur la grande porte de bronze et sous la corniche cintrée, et elle ne bougeait pas, et elle ne prononçait pas une parole, mais elle se fixait de plus en plus, et elle resta immobile. Et la porte sur laquelle l’ombre reposait était, si je m’en souviens bien, tout contre les pieds du jeune Zoïlus enseveli. Mais nous, les sept compagnons, ayant vu l’ombre, comme elle sortait des draperies, nous n’osions pas la contempler fixement ; mais nous baissions les yeux, et nous regardions toujours dans les profondeurs du miroir d’ébène. Et, à la longue, moi, Oinos, je me hasardai à prononcer quelques mots à voix basse, et je demandai à l’ombre sa demeure et son nom. Et l’ombre répondit :
— Je suis OMBRE, et ma demeure est à côté des Catacombes de Ptolémaïs, et tout près de ces sombres plaines infernales qui enserrent l’impur canal de Charon !
Et alors, tous les sept, nous nous dressâmes d’horreur sur nos sièges, et nous nous tenions tremblants, frissonnants, effarés ; car le timbre de la voix de l’ombre n’était pas le timbre d’un seul individu, mais d’une multitude d’êtres ; et cette voix, variant ses inflexions de syllabe en syllabe, tombait confusément dans nos oreilles en imitant les accents connus et familiers de mille et mille amis disparus !
Vous qui me lisez, vous êtes encore parmi les vivants ; mais moi qui écris, je serai depuis longtemps parti pour la région des ombres. Car, en vérité, d’étranges choses arriveront, bien des choses secrètes seront révélées, et bien des siècles passeront avant que ces notes soient vues par les hommes. Et quand ils les auront vues, les uns ne croiront pas, les autres douteront, et bien peu d’entre eux trouveront matière à méditation dans les caractères que je grave sur ces tablettes avec un stylus de fer.
L’année avait été une année de terreur, pleine de sentiments plus intenses que la terreur, pour lesquels il n’y a pas de nom sur la terre. Car beaucoup de prodiges et de signes avaient eu lieu, et de tous côtés, sur la terre et sur la mer, les ailes noires de la Peste s’étaient largement déployées. Ceux-là néanmoins qui étaient savants dans les étoiles n’ignoraient pas que les cieux avaient un aspect de malheur ; et pour moi, entre autres, le Grec Oinos, il était évident que nous touchions au retour de cette sept cent quatre-vingt quatorzième année, où, à l’entrée du Bélier, la planète Jupiter fait sa conjonction avec le rouge anneau du terrible Saturne. L’esprit particulier des cieux, si je ne me trompe grandement, manifestait sa puissance non seulement sur le globe physique de la terre, mais aussi sur les âmes, les pensées et les méditations de l’humanité.
Une nuit, nous étions sept, au fond d’un noble palais, dans une sombre cité appelée Ptolémaïs, assis autour de quelques flacons d’un vin pourpre de Chios. Et notre chambre n’avait pas d’autre entrée qu’une haute porte d’airain ; et la porte avait été façonnée par l’artisan Corinnos, et elle était d’une rare main-d’œuvre, et fermait en dedans. Pareillement, de noires draperies, protégeant cette chambre mélancolique, nous épargnaient l’aspect de la lune, des étoiles lugubres et des rues dépeuplées ; mais le pressentiment et le souvenir du Fléau n’avaient pas pu être exclus aussi facilement. Il y avait autour de nous, auprès de nous, des choses dont je ne puis rendre distinctement compte, des choses matérielles et spirituelles, une pesanteur dans l’atmosphère, une sensation d’étouffement, une angoisse, et, par-dessus tout, ce terrible mode de l’existence que subissent les gens heureux, quand les sens sont cruellement vivants et éveillés, et les facultés de l’esprit assoupies et mornes. Un poids mortel nous écrasait. Il s’étendait sur nos membres, sur l’ameublement de la salle, sur les verres dans lesquels nous buvions ; et toutes choses semblaient opprimées et prostrées dans cet accablement, tout, excepté les flammes des sept lampes de fer qui éclairaient notre orgie. S’allongeant en minces filets de lumière, elles restaient toutes ainsi, et brûlaient pâles et immobiles ; et dans la table ronde d’ébène autour de laquelle nous étions assis, et que leur éclat transformait en miroir, chacun des convives contemplait la pâleur de sa propre figure et l’éclair inquiet des yeux mornes de ses camarades. Cependant nous poussions nos rires, et nous étions si gais à notre façon, une façon hystérique ; et nous chantions les chansons d’Anacréon, qui ne sont que folie ; et nous buvions largement, quoique la pourpre du vin nous rappelât la pourpre du sang. Car il y avait dans la chambre un huitième personnage, le jeune Zoïlus. Mort, étendu tout de son long et enseveli, il était le génie et le démon de la scène. Hélas ! Il n’avait point de sa part de notre divertissement, sauf que sa figure, convulsée par le mal, et ses yeux, dans lesquels la Mort n’avait éteint qu’à moitié le feu de la peste, semblaient prendre à notre joie autant d’intérêt que les morts sont capables d’en prendre à la joie de ceux qui doivent mourir. Mais, bien que moi, Oinos, je sentisse les yeux du défunt fixés sur moi, cependant je m’efforçais de ne pas comprendre l’amertume de leur expression, et, regardant opiniâtrement dans les profondeurs du miroir d’ébène, je chantais d’une voix haute et sonore les chansons du poète de Téos. Mais graduellement mon chant cessa, et les échos, roulant au loin parmi les noires draperies de la chambre, devinrent faibles, indistincts, et s’évanouirent. Et voilà que du fond de ces draperies noires où allait mourir le bruit de la chanson s’éleva une ombre, sombre, indéfinie, une ombre semblable à celle que la lune, quand elle est basse dans le ciel, peut dessiner d’après le corps d’un homme ; mais ce n’était l’ombre ni d’un homme, ni d’un dieu, ni d’aucun être connu. Et frissonnant un instant parmi les draperies, elle resta enfin, visible et droite, sur la surface de la porte d’airain. Mais l’ombre était vague, sans forme, indéfinie : ce n’était l’ombre ni d’un homme, ni d’un dieu, ni d’un dieu de Grèce, ni d’un dieu de Chaldée, ni d’aucun dieu égyptien. Et l’ombre reposait sur la grande porte de bronze et sous la corniche cintrée, et elle ne bougeait pas, et elle ne prononçait pas une parole, mais elle se fixait de plus en plus, et elle resta immobile. Et la porte sur laquelle l’ombre reposait était, si je m’en souviens bien, tout contre les pieds du jeune Zoïlus enseveli. Mais nous, les sept compagnons, ayant vu l’ombre, comme elle sortait des draperies, nous n’osions pas la contempler fixement ; mais nous baissions les yeux, et nous regardions toujours dans les profondeurs du miroir d’ébène. Et, à la longue, moi, Oinos, je me hasardai à prononcer quelques mots à voix basse, et je demandai à l’ombre sa demeure et son nom. Et l’ombre répondit :
— Je suis OMBRE, et ma demeure est à côté des Catacombes de Ptolémaïs, et tout près de ces sombres plaines infernales qui enserrent l’impur canal de Charon !
Et alors, tous les sept, nous nous dressâmes d’horreur sur nos sièges, et nous nous tenions tremblants, frissonnants, effarés ; car le timbre de la voix de l’ombre n’était pas le timbre d’un seul individu, mais d’une multitude d’êtres ; et cette voix, variant ses inflexions de syllabe en syllabe, tombait confusément dans nos oreilles en imitant les accents connus et familiers de mille et mille amis disparus !
jeudi 16 septembre 2010
Ode au Loup à Plumes
Ode au Loup à Plumes par Elisandre
Infâmes créatures modelées à l'image d'un Dieu vengeur et égoïste,
Votre soif de domination, votre goût du mal m'ont jetés au fond du gouffre,
Vous m'avez mise en pature afin d'assouvir vos jeux cruels et sadiques,
Tels des ogres, vous vous êtes nourris de mon âme, de mon esprit,
Tels des vampires vous m'avez vidée de mon essence vitale.
Du fond de cet abysse, vous m'avez laissés croyant m'avoir aveuglée,
Alors, que j'allais m'anéantir dans une marre putride et noire comme vos âmes,
J'ai aperçu un point lumineux, qui peu à peu m'éclaira d'un rayon de lumière,
L'Ange déchu, m'envoyait son messager, un ténébreux loup recouvert de plumes noires.
Au passage de cette fabuleuse créature, j'apercevais toute la beauté de l'univers.
A travers ses yeux perçants, je compris que de lui seul venaient la vérité et le savoir.
Accrochée à son sombre pelage, nous nous envolâmes vers d'autres cieux,
Il m'a entraînée loin de cette terre dont vous vouliez faire mon tombeau.
Des mystères, des humains, il m'a tout appris, par lui, je connais le secret des Dieux,
Depuis, j'ai appris que le paradis est sa tannière et que votre monde est l'enfer
La fée Saurimonde dans le village d'Hautpoul
Une vieille légende du Pays Cathare : Le village d'Hautpoul et la fée Saurimonde.
Une légende du pays Cathare nous conduit au village d'Hautpoul, accroché à son piton rocheux, dominant la ville de Mazamet, le village d’Hautpoul garde l'entrée de la Montagne Noire et de ses vastes forêts.
Selon la légende, Hautpoul aurait été fondé en 413 par Atholph 1er, roi wisigoth qui y installe une communauté et dessine les premiers contours d'une forteresse. Mais sous le règne de Clovis, les Francs poussent les Wisigoths en Espagne, occupent à leur tour dans le village d'Hautpoul et donnent une nouvelle dimension à la forteresse. A cette époque l'étymologie rapporte que l'on parle de Alto pullo qui signifie lieu perché, et qui deveindra Hautpoul, au fil des années.
En 1212, durant la croisade contre les Albigeois, Simon de Montfort assiège la citadelle convertie au catharisme. Après quatre jours de siège, il s'empare de "ce nid d'hérétiques" et fait démanteler les châteaux. Les habitants d'Hautpoul s'installent alors dans la vallée, sur les bords de l'Arnette où ils fondent une petite bourgade qui deviendra Mazamet. Ils y développent des activités textiles et papetières pour compléter les faibles revenus de l'agriculture sur ces terrains de montagne peu fertiles.
Aux XVIè et XVIIè siècles, les guerres de religion font du village d'Hautpoul le théâtre de maints accrochages. Tour à tour aux mains des catholiques ou des protestants, il montre encore une farouche résistance et affirme sa position stratégique.
Mais revenons à notre histoire, un habitant d'Hautpoul nommé Rivière, ventripotent, riche et prétentieux, passait son temps à la chasse. Un jour, au détour d'un chemin, au bord de l'Arnette, il aperçoitune fée enfant avec un peigne d'or massif. Le cupide et brutal Rivière décide alors de s'emparer du précieux objet par la force, et décoche sur la fée plusieurs carreaux d'arbalète. Mais les traits, comme écartés par une force magique, manquent leur but, Rivière déconfit, est contraint de rentrer bredouille sous les moqueries de Saurimonde et de sa fille.
Il raconte l'aventure à son curé qui lui précise que, la Saurimonde étant une créature démoniaque, elle ne peut être atteinte que par des flèches bénites. Muni du nécessaire, Rivière se poste à nouveau face à la grotte de Saurimonde, décoche un carreau d'arbalète béni et tue l'enfant de la fée. Celle-ci le maudit alors en ces termes : "De grande rivière que tu étais, tu seras petit ruisseau".
Et, inexplicablement, la fortune de Rivière se transforme du jour au lendemain en misère, il perd sa bedaine et devient un mendiant famélique condamné à courir les chemins.
Quand au peigne d'or, la fée, dans un mouvement de colère, le laissa tomber dans l'Arnette où il se trouve encore aujourd'hui.
Certains disent que c'est ce talisman magique qui procura la fortune industrielle de Mazamet au XIXè siècle.
Qui est la Saurimonde ?
La Saurimonde est le modèle de la perfidie la plus atroce, elle peut être fée ou femme sauvage, c'est la "Lilith" cathare,la Morgane et bien d'autres...démone que l'on retrouve tout au long de l'histoire sous différents traits...ici, c'est un bel enfant aux cheveux blonds et bouclés, aux yeux bleus et à la bouche rosée, abandonné au bord d'une fontaine ou dans le carrefour d'une forêt, et appelant de sa douce voix et de ses sanglots une âme charitable qui veuille l'adopter. Une âme charitable ! Où n'en trouve-t-on pas ! L'espèce humaine est si compatissante ! Les coeurs expansifs ne manquent pas, surtout parmi les bergers et les pastourelles. Tantôt c'est un brave garçon qui emporte l'enfant sous sa cape, et qui va le déposer sur les genoux de sa vieille mère, en la priant d'élever le pauvre orphelin ; d'autres fois, c'est une bonne jeune fille qui jure sur la petite croix qui pend à son cou qu'elle ne se séparera jamais du gentil frère que la Providence lui a donné.
De part et d'autre, religieuse observation de la promesse. L'enfant grandit. Alors, presque toujours, elle devient la femme du berger, qui se trouve avoir contracté mariage avec le diable, ou ellee endoctrine si bien la vierge qui l'a adoptée, qu'elle l'oblige également à vouer son avenir à l'enfer.
mercredi 8 septembre 2010
Le Masque par Charles Baudelaire
Le Masque par Charles Baudelaire (Les Fleurs du Mal)
Contemplons ce trésor de grâces florentines ;
Dans l'ondulation de ce corps musculeux
L'Elégance et la Force abondent, sœurs divines.
Cette femme, morceau vraiment miraculeux,
Divinement robuste, adorablement mince,
Est faite pour trôner sur des lits somptueux
Et charmer les loisirs d'un pontife ou d'un prince.
– Aussi, vois ce souris fin et voluptueux
Où la Fatuité promène son extase ;
Ce long regard sournois, langoureux et moqueur ;
Ce visage mignard, tout encadré de gaze,
Dont chaque trait nous dit avec un air vainqueur :
"La Volupté m'appelle et l'Amour me couronne !"
A cet être doué de tant de majesté
Vois quel charme excitant la gentillesse donne !
Approchons, et tournons autour de sa beauté.
O blasphème de l'art ! ô surprise fatale !
La femme au corps divin, promettant le bonheur,
Par le haut se termine en monstre bicéphale !
– Mais non ! ce n'est qu'un masque, un décor suborneur,
Ce visage éclairé d'une exquise grimace,
Et, regarde, voici, crispée atrocement,
La véritable tête, et la sincère face
Renversée à l'abri de la face qui ment.
Pauvre grande beauté ! le magnifique fleuve
De tes pleurs aboutit dans mon cœur soucieux,
Ton mensonge m'enivre, et mon âme s'abreuve
Aux flots que la Douleur fait jaillir de tes yeux !
– Mais pourquoi pleure-t-elle ? Elle, beauté parfaite,
Qui mettrait à ses pieds le genre humain vaincu,
Quel mal mystérieux ronge son flanc d'athlète ?
– Elle pleure insensé, parce qu'elle a vécu !
Et parce qu'elle vit ! Mais ce qu'elle déplore
Surtout, ce qui la fait frémir jusqu'aux genoux,
C'est que demain, hélas ! il faudra vivre encore !
Demain, après-demain et toujours ! – comme nous !