jeudi 23 décembre 2010

Sopor Aeternus-The Conqueror Worm (Edgar Allan Poe)


The Conquerer Worm par Edgar Allan Poe

LO! 't is a gala night
Within the lonesome latter years!
An angel throng, bewinged, bedight
In veils, and drowned in tears,
Sit in a theatre, to see
A play of hopes and fears,
While the orchestra breathes fitfully
The music of the spheres.


Mimes, in the form of God on high,
Mutter and mumble low,
And hither and thither fly—
Mere puppets they, who come and go
At bidding of vast formless things
That shift the scenery to and fro,
Flapping from out their Condor wings
Invisible Woe!


That motley drama!—oh, be sure
It shall not be forgot!
With its Phantom chased for evermore,
By a crowd that seize it not,
Through a circle that ever returneth in
To the self-same spot,
And much of Madness, and more of Sin
And Horror the soul of the plot.


But see, amid the mimic rout,
A crawling shape intrude!
A blood-red thing that writhes from out
The scenic solitude!
It writhes!—it writhes!—with mortal pangs
The mimes become its food,
And the angels sob at vermin fangs
In human gore imbued.


Out—out are the lights—out all!
And over each quivering form,
The curtain, a funeral pall,
Comes down with the rush of a storm,
And the angels, all pallid and wan,
Uprising, unveiling, affirm
That the play is the tragedy "Man,"
And its hero the Conqueror Worm.


"Le Ver Vainqueur", traduction du poème d'Edgar Allan Poe par Stéphane Mallarmé.

Voyez ! c'est nuit de gala dans ces derniers ans
solitaires ! Une multitude d'anges en ailes, parée du
voile et noyée de pleurs, siége dans un théâtre, pour
voir un spectacle d'espoir et de craintes, tandis que
l'orchestre soupire par intervalles la musique des
sphères.


Des mimes avec la forme du Dieu d'en haut
chuchotent et marmottent bas, et se jettent ici ou là -
pures marionnettes qui vont et viennent au comman-
dement de vastes choses informes lesquelles transportent
la scène de côté et d'autre, secouant de leurs ailes de
Condor l'invisible Malheur.


Ce drame bigarré - oh ! pour sûr, on ne l'oubliera !
avec son Fantôme à jamais pourchassé par une foule
qui ne le saisit pas, à travers un cercle qui revient toujours
à une seule et même place ; et beaucoup de Folie et
plus de Péché et d'Horreur font l'âme de l'intrigue.



Eteintes ! - éteintes sont les lumières - toutes
éteintes ! et, par-dessus chaque forme frissonnante, le
rideau, mortuaire drap, descend avec un fracas de
tempête, et les anges, pallides tous et blêmes, se levant
se dévoilant, affirment que la pièce est la tragédie
l'Homme et sôn héros le Ver Vainqueur.



Mais voyez, parmi la cohue des mimes, faire
intrusion une forme rampante ! Quelque chose de rouge
sang qui sort en se tordant, de la solitude scénique ! se
tordant - se tordant : avec de mortelles angoisses les
mimes deviennent sa proie et les séraphins sanglotent
de ces dents d'un ver imbues de la pourpre humaine.