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lundi 25 octobre 2010

William Blake, Satan et l'Enfer.




L’astre Blake étincelle dans cette reculée région du ciel où brille aussi l'astre Lautréamont. Lucifer radieux, ses rayons revêtent d'un éclat insolite les corps misérables et glorieux de l'homme et de la femme. (André Gide)



Poète maudit reconnu comme précurseur par les romantiques, les symbolistes puis les surréalistes, William Blake ne dissocie pas son œuvre écrite de son œuvre peinte ou gravée.
Ses poèmes sont ornés d'illustrations inspirées par la Bible, et ses propres théories métaphysiques qui empruntent, en les enrichissant d'une ambiguïté neuve, à la mystique de Swedenborg et à la poésie de Milton, en effet, le Satan de Blake est à la fois celui de la Bible, celui de Milton et enfin la puissance divine et créatrice du manichéisme traditionnel.

"Le Satan de Blake sera tantôt le Satan de la tradition chrétienne, ange déchu, resplendissant de jeunesse et de séduction, celui qu’il nous montre, par exemple, en train de contempler avec envie les embrassements d’Adam et d’Eve ; tantôt ce sera le Satan de l’imagination gothique, avec ses ailes de chauve-souris et son rictus implacable, comme lorsque Blake nous le montre rassemblant dans l’Enfer ses légions de Démons ; tantôt enfin ce sera une véritable divinité monstrueuse et il tend alors à se confondre avec l’Elohim et cet autre personnage que Blake invente pour symboliser le péché rationaliste, le géant Urizen ; mais, encore à ce moment, Blake mêle son symbolisme propre aux traditions bibliques et orientales ; une des plus saisissantes représentations du Satan blakien est cette impression en couleur, Nabuchodonosor, où le tyran
biblique devient un monstre divin dont la figure est celle d’un Elohim quadrupède. Ainsi l’Elohim et Satan ne sont que deux avatars de la même puissance maléfique et leur diversification en figures multiples, correspondant au développement d’une riche mythologie, et manifeste le syncrétisme originel de la mystiqueblakienne" (Henri Lemaître)
                                                                   Lucifer
Les Chants de l'innocence (1789) glorifient, dans une langue admirablement fluide, l'Enfant et l'Agneau.
Dans le Mariage du Ciel et de l'Enfer (1790, traduit par André Gide en 1923), William Blake exprime sa conception fondamentale du monde: «Les tigres de la colère sont plus sages que les chevaux du savoir».

L'Enfer est habité par les forces primordiales de l'instinct, débordante énergie dont le Mal, honni à tort par la morale, est la manifestation admirable et nécessaire. La douceur et la sérénité célestes doivent pourtant compenser cette indomptable énergie pour que le tigre, fascinante question posée à l'homme (les Chants de l'expérience 1794), vive côte à côte avec l'agneau sur les plaines de la Terre redevenue édénique.

Court extrait des Proverbes de l'Enfer :

"Les prisons se construisent avec les pierres de la loi, Les bordels avec les briques de la religion."

"De même que la chenille choisit, pour y poser ses œufs, les feuilles les plus belles; ainsi le prêtre pose ses malédictions sur nos plus belles joies."

"Le chemin de l’excès mène au palais de la Sagesse."

"Conduis ton char et ta charrue par-dessus les ossements des morts".


"Tête, le Sublime; cœur, le Pathos; génitoires, la Beauté; pieds et mains, la Proportion."



"Un sage ne voit pas le même arbre qu’un fou."

"L’oiseau ne vole jamais trop haut, qui vole de ses propres ailes. "

"Celui dont le visage est sans rayons ne deviendra jamais une étoile."

"Des ouvrages du temps l'Éternité reste amoureuse."

"La diligente abeille n'a pas de temps pour la tristesse."

"Le rugissement des lions, le hurlement des loups, le soulèvement de la mer en furie et le glaive  destructeur, sont des morceaux d'éternité trop énormes pour l'œil des hommes."


"La Prudence est une riche et laide vieille fille à qui l’incapacité fait la cour."

"Livre de comptes, toise et balance – garde cela pour les temps de disette."

"Tel l'air à l'oiseau, ou la mer au poisson, le mépris à qui le mérite."