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mardi 17 juillet 2012

Jacques Prévert et sa passion du collage

"Les Garçons de Rue" collage sur une photo de Robert Doisneau


En 1948, en repos forcé à Saint-Paul-de-Vence à la suite d'un accident, Prévert s'est mis à pratiquer plus assidûment cet art du collage. "Jacques s'exprime de plus en plus par les collages, comme il a fait par les poèmes. Mais je pense que ces collages, au fond, sont des poèmes", a dit son éditeur, René Bertelé. "Et d'autre part, il se rend compte maintenant que certains de ses poèmes sont en quelque sorte des collages de mots, si on veut."


Prévert trouvait des images pour ses collages au hasard : il chinait, à la Foire à la Ferraille et aux Puces, des pages de magazines de luxe et de journaux, des reproductions de toiles célèbres du Louvre ; ou, pendant ses promenades sur les quais de la Seine, des gravures anciennes, rue des Saint-Pères ou rue Jacob, dénichant des planches d'anatomies coloriées, et rue Dauphine, chez Labarre, où il se fournissait en chromolithographies rutilantes. "En général, dit-il à son frère Pierre, ce que je prenais, c'est dans les poubelles, les choses méprisées ou désaccordées. Moi, je trouvais ça très joli."

Il les rangeait, sans hiérarchie, dans des cartons et des tiroirs : "Quand quelque chose me plaît, je le découpe et je le mets dans un tiroir. Mais il faut que ça me plaise. Il y a des gens qui m'amènent quelquefois de très jolis livres, de vieux catalogues en me disant "c'est pour vous". Mais ce n'est pas vrai, ce n'est pas pour moi. Je ne trouve rien là-dedans à garder. Quand ça me plait, je le vois tout de suite."

Dans son bureau rempli de pots de stylos, de ciseaux et de grattoirs, de colle, de boîtes de pastels, de crayons et de feutres, les fragments d'images ou les pages de journaux arrachées pouvaient rester des années avant de trouver leur place dans un collage. Jacques Prévert ne se contentait pas d'assembler les images, les photos : il les travaillait, les transformait avec des coloriages et des rehauts, et, pour créer des effets de texture ou des éclats de lumière, en grattait la surface. "On dit une image en termes poétiques, on peut le faire avec des ciseaux, avec des couteaux, n'importe quoi", disait Jacques Prévert.

Nombre de ses collages étaient réalisés sur des lettres ou des cartes postales qu'il envoyait à ses amis intimes, à ses proches. Souvent, la carte ne contenait aucun message ; il y avait au verso, sa signature, et au recto, une photographie transformée. D'autres collages étaient faits sur des exemplaires de ses livres, sur les premières pages intérieures ou en guise de couverture ; il y ajoutait des photos, des ornements et une dédicace au destinataire : son éditeur, son galeriste, son imprimeur, ses amis, etc. (Fatras/Succession Jacques Prévert)