Le qualificatif de Grand Guignol (adjectif grand-guignolesque) s'applique aux divertissements basés sur un spectacle d'horreurs macabres et sanguinolentes. Le terme est devenu péjoratif et désigne désormais, plus généralement, des situations exagérées, abusant d'effets spectaculaires démesurés, une descente aux enfers à travers un huis-clos.
Le nom vient du théâtre, petit pour l'époque puisqu'il ne contenait que 293 sièges, situé 7 Cité Chaptal à Paris dans le 9e arrondissement, qui s'était spécialisé dans ce type de spectacles.
Il ouvre le 13 octobre 1897, au fond de l'impasse Chaptal, (dans une chapelle qui avait servi d'atelier au peintre Georges-Antoine Rochegrosse.
C'est Oscar Méténier, ancien homme à tout faire d'un commissaire de police, auteur de pièces refusées, familier de Maupassant et surtout d'André Antoine, créateur du théâtre naturaliste, qui lui souffla l'idée de créer une salle spécialisée, alternant courts drames horrifiques et saynètes comiques d'un genre méconnu et disparu, le Grand-Guignol mettait en scène toutes les peurs et les interrogations de l'époque : peur de la folie, peur des maladies contagieuses, peur du progrès, peur de l'étranger... A chaque thème traité sur le mode dramatique correspondait une comédie.
Pour le metteur en scène, tout l’art consiste à faire monter le taux d’adrénaline du spectateur, à lui provoquer des sueurs froides et des palpitations. Jusqu’à la « réussite » finale, dans le meilleur des cas : l’évanouissement. À la grande époque, c’est-à-dire entre les deux guerres, le morceau de résistance (le grand drame) provoquait entre quatre et quinze évanouissements par soirée, nous raconte l'historienne du théâtre Agnés Pierron.
"Le spectateur qui, pour la première fois, pénètre dans la petite salle de l’impasse Chaptal, est saisi, dès l’entrée, d’un vague sentiment d’inquiétude. Car elle est étrange, cette salle tout en longueur, avec ses murs tendus d’étoffes sombres, ses boiseries sévères, avec ces deux portes mystérieuses et toujours fermées, qui sont de chaque côté de la scène, et ces deux anges inattendus qui, du haut du plafond, nous adressent leur énigmatique sourire. Tous les cris de douleurs, les hurlements de terreur, les râles d’agonie qui ont si souvent retenti sur cette scène, semblent sortir de l’épaisseur des murs où ils s’étaient tapis.
L’Epouvante, accrochée comme une immense chauve-souris aux poutres du plafond, ouvre soudain ses ailes sombres et vole silencieusement dans la salle… et quand le rideau se lève, enfin, le spectateur est à point, il est « prêt » ; tous les effets porteront." (C.Antona-Traversi)
« Gerhard se souvenait de ce théâtre ; il était au nombre des endroits bizarres qu’un étranger ne manque pas de visiter. Il fallait l’avoir vu, de même que les catacombes, la Morgue dans une île de la Seine ou le grand cimetière du Père-Lachaise. Il était, comme ces autres lieux, un endroit lugubre ; on ne jouait là que des pièces macabres. »
La photographie d'un spectacle en 1947