lundi 27 septembre 2010

Départ pour le Sabbat par Aloysius Bertrand



Départ pour le Sabbat par Aloysius Bertrand
Elle se leva la nuit, et allumant
la chandelle prit une boîte et
s’oignit, puis avec quelques paroles
elle fut transportée au sabbat.

JEAN BODIN. — De la Démonomanie des Sorciers.

Ils étaient là une douzaine qui mangeaient la soupe à la bière, et chacun d’eux avait pour cuiller l’os de l’avant-bras d’un mort.

La cheminée était rouge de braise, les chandelles champignonnaient dans la fumée, et les assiettes exhalaient une odeur de fosse au printemps.

Et lorsque Maribas riait ou pleurait, on entendait comme geindre un archet sur les trois cordes d’un violon démantibulé.

Cependant le soudard étala diaboliquement sur la table, à la lueur du suif, un grimoire où vint s’ébattre une mouche grillée.

Cette mouche bourdonnait encore lorsque, de son ventre énorme et velu, une araignée escalada les bords du magique volume.

Mais déjà sorciers et sorcières s’étaient envolés par la cheminée à califourchon, qui sur un balai, qui sur les pincettes, et Maribas sur la queue de la poêle.