Les illustrations sont de Zaelia Bishop, artiste romain.
La Fiancée de la Mer, par H.P.Lovecraft
Maussades se dressent les falaises escarpées derrière moi,
Sombres sont les sables du rivage s'étendant au loin. ,
Indistincts sont les sentiers et les rochers qui me rappellent,
Tristement ces années d'un Ailleurs à jamais perdu.
L'océan clapote doucement sur les galets polis par les vagues,
En une musique mélodieuse et familière ;
Ici, sa tête tendrement appuyée contre mon épaule,
Je me suis promené avec Unda, la Fiancée de la Mer.
Lumineux était le matin de ma jeunesse lorsque je la rencontrai,
Douce comme la brise soufflant sur l'eau salée.
Bientôt les liens de l'Amour me tenaient enchaîné,
Heureux de lui appartenir, et elle heureuse d'être mienne.
Jamais je ne lui demandai d'où elle venait,
Jamais elle ne m'interrogea sur le lieu de ma naissance :
Joyeux comme des enfants, sans penser ni réfléchir,
Nous goûtions la munificence de l'océan et de la terre.
Une nuit, le clair de lune scintillait parmi les flots,
En haut de la falaise nous nous tenions, dominant les eaux.
Sa chevelure était retenue par une guirlande de fleurs,
Cueillies près de la source dans le bois où voletaient des oiseaux.
Etrangement elle contemplait les vagues au dessous d'elle,
Charmée par le son ou ravie par la lumière :
Alors les flots lui donnèrent un aspect sauvage,
Sévère comme l'océan et mystérieux comme la nuit.
Avec froideur elle me quitta, stupéfait et en larmes,
Me laissant seul parmi les régions qu'elle avait bénies :
Mi-glissant et mi-rampant, toujours plus bas descendait
Et s'éloignait la douce Unda, en quête de l'océan.
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Alors la mer s'apaisa, et le ressac tumultueux
Se changea en une ondulation, comme Unda la belle
Foulait les sables humides, en un salut affectueux,
Me faisait signe, et l'instant d'après, n'était plus là !
Longtemps j'arpentai le rivage où elle avait disparu,
Haut dans le ciel vogua la lune, puis redescendit.
Grise se leva l'aurore, bannissant la triste nuit,
Mais mon cœur était toujours dolent d'une peine infinie.
A travers le vaste monde j'ai recherché ma bien-aimée,
Parcouru les déserts immenses et sillonné les mers lointaines.
Un jour, sur les vagues, tandis que la tempête grondait,
Brilla un beau visage qui apporta calme et sérénité.
Malgré ma fièvre je continuai en trébuchant.
Dépérissant et me languissant, je faisais à peine attention à mon chemin.
Alors je quittai les eaux grondantes
Et revins sur les lieux de mon hier perdu.
Mais regardez ! La lune rouge depuis les brumes de l'océan
Surgit et se montre avec une grandeur inquiétante ;
Etrange est son visage tandis que mon regard torturé
Fixe les étendues illimitées de feu et d'azur.
Depuis la lune jusqu'au rivage où je soupire
Grandit un pont lumineux de vaguelettes et de rayons.
Malgré sa fragilité, comme il serait simple de le suivre,
Depuis la terre jusqu'à l'orbe des rêves d'ambre.
Quel est ce visage apparaissant dans la clarté lunaire ;
Aurais-je enfin retrouvé la jeune fille enfuie ?
Empruntant le pont scintillant, je me dirige
Vers celle dont le doux geste me fait hâter le pas.
Des courants m'environnent, et oscillant avec torpeur,
Loin sur le sentier de la lune je recherche le doux visage.
Avec ardeur je m'avance, mi-haletant et mi-priant,
Et tends les bras vers cette vision de grâce.
Les eaux se referment autour de moi en murmurant.
Lentement la vision radieuse s'approche de moi.
C'est la fin de mes épreuves et mon coeur repose
En paix auprès d'Unda, la Fiancée de la Mer.